Bateau Orange Marine en mer

Publié le 11 Juin 2020

En mer, ils veillent sur nos connexions internet

Pendant 8 semaines, les Français ont vécu confinés. Cette période hors du commun a permis à chacun de prendre conscience du rôle primordial que jouent les réseaux numériques dans nos vies quotidiennes et dans notre rapport au monde. Dans l’ombre, les femmes et les hommes d’Orange se sont mobilisés sans relâche pour que ces lignes de vie tiennent bon, alors que le trafic Internet était deux fois plus élevé qu’à l’habitude. C’est notamment le cas des 60 membres de l’équipage du navire Pierre de Fermat (Orange Marine) qui sont partis en Mer du Nord pour réparer des câbles sous-marin endommagés. Reportage à bord.

 

Jeudi 2 avril – Les volontaires du Pierre-de-Fermat

La longue silhouette blanche du Pierre de Fermat se découpe dans le port de Brest. Le navire câblier de la flotte Orange Marine prendra le large dès demain avec 60 personnes à bord. Il aurait déjà dû appareiller la veille, mais le Covid-19 en a décidé autrement. En effet, il a fallu remplacer les marins qui venaient d’achever leur mission par d’autres membres d’équipage. Impossible de savoir s’ils ont été en contact avec le virus, alors chacun a été testé avant de pouvoir embarquer. Pour les éléments français, tout s’est joué sur la base du volontariat : certains de ceux qui devaient être relevés ont choisi de rester. D’autres, qui n’étaient pas prévus sur la feuille de route, ont rejoint le bateau et ceux qui ont souhaité ne pas prendre la mer, ont pu le faire. Plusieurs marins malgaches n’ont pas pu pas rentrer chez eux : leur pays avait, à son tour, fermé ses frontières. Pas d’autre option pour eux que de repartir en mission.

Comme pour toutes ses sorties, le Pierre de Fermat accueille également une infirmière. Malgré le contexte, celle qui embarque pour cette mission s’est portée volontaire. C’est sa première expérience de ce type. Quel que soit leur parcours jusqu’à ce 2 avril, tous les hommes et femmes qui s’apprêtent à mettre le cap sur la Mer du Nord sont unis par la même volonté, celle de veiller à ce que les autoroutes d’Internet puissent continuer à relier les hommes à travers les mers et les océans en ces temps troublés.

Orange Marine
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@Laurent Miquel
 
 

 

 

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Vendredi 3 avril – Précautions renforcées

Le câblier a quitté le port de Brest ce matin et fait route vers la Mer du Nord pour réparer le câble TAT-14, qui relie les États-Unis au nord de l'Europe. Ce dernier fait une boucle. Si l'un des brins subit une avarie comme celle qui fait l’objet de la mission actuelle, le trafic n'est pas perturbé. Mais si la deuxième branche venait à être endommagée, la situation serait beaucoup plus compliquée pour les opérateurs européens qui l’utilisent, comme Orange et pour tous les services et entreprises qui dépendent de ce réseau.

Le bateau devrait arriver aux Pays-Bas demain soir. Pour l’heure, les membres d’équipage de la relève prennent possession de leurs quartiers et commencent à travailler. L’infirmière de bord découvre la vie sur un navire câblier. Comme les autres nouveaux venus elle devra prendre des précautions renforcées pendant 14 jours, le temps d’écarter au maximum les risques de contagion éventuelle. Elle est masquée et gantée et elle doit entretenir elle-même son lieu de vie, comme la cabine qui tient lieu de service médical. Elle peut circuler librement dans les coursives et se rendre au self mais n’a pas accès au carré des officiers ni à la salle de sport. Malgré ces restrictions exceptionnelles, l’ambiance à bord est bonne.

Pendant ce temps-là, le navire se rapproche de la zone endommagée du câble. Le chef de mission se dirige grâce à des cartes marines extrêmement précises. Des tests, en amont de la mission, ont permis d’affiner la localisation du tronçon dégradé.

 

 

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Dimanche 5 avril – Sur la piste du câble endommagé

Hector 7 entre en action. C’est un ROV, un robot amphibie équipé de caméras, de chaînes pour avancer sur les fonds marins et de bras articulés qui lui permettront de récupérer le câble. Au petit matin il a été mis à l’eau et, depuis, un pilote suit sa progression sur écrans et le guide grâce à une télécommande.  Au bout de deux heures de traque, le pilote aperçoit enfin le câble dans une zone située à une trentaine de mètres de profondeur. Il a été enterré par les mouvements de l’eau et les déplacements de sable dus aux marées. Pas le temps d’admirer le crabe qui est en train de faire du rodéo sur le câble, il faut trouver la section défectueuse. En surface, la mer est calme et le lever de soleil qui s’offre aux marins est splendide.

 
 

 

Les techniciens sur le pont

Le câble endommagé est remonté. L’avarie est sans doute le fait d’un filet de pêche qui a dragué le fonds. Les pêcheurs n’ont pas le droit de descendre leurs filets aux abords des câbles mais certains bravent les interdits, pensant que les poissons seront plus abondants dans ces zones préservées. Une fois à bord du bateau, le câble est pris en charge par l’équipe de techniciens chargée de la réparation. Celle-ci nécessite un processus d’une grande précision qui peut prendre plusieurs jours. Le câble sera d’abord dénudé, avant d’être placé dans une machine qui permettra de souder les fibres optiques unes à une. TAT-14 contient 4 paires de fibres, mais certains câbles en renferment jusqu’à 144… La soudure sera ensuite protégée par un revêtement protecteur. Enfin, le câble sera redéposé au fonds de l’eau, toujours à l’aide du ROV Hector, associé pour l’occasion à Emma, la nouvelle charrue du Pierre de Fermat qui « ensouillera » le câble. C’est le terme marin pour décrire l’opération destinée à enfouir l’équipement sous un mètre de sédiments

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Dimanche 12 Avril – Pâques en haute mer

C’est le Dimanche de Pâques. À terre, les enfants chassent les œufs en chocolat malgré le confinement. Mais à bord du Pierre de Fermat tout le monde continue à travailler, même si le Commandant a autorisé un peu de souplesse dans les services de quart. Pour marquer le coup, le cuisinier a préparé un repas festif.

 

Le stress du départ est en train de retomber, tout le monde spécule sur la fin de la mission et sur une éventuelle relève. Dans cinq jours, le bateau sera de retour à Brest et ce sera la fin des restrictions pour tous ceux qui étaient monté à bord pour cette mission. Entre la forêt-noire et le café, les langues se délient et les anecdotes fusent, jusqu’à ce que l’infirmière évoque des lapins de Pâques masqués, confectionnés par un chocolatier en hommage aux soignants. Quel impair ! Les marins lui rappellent alors qu’on ne doit jamais évoquer la bête aux grandes oreilles sur un bateau car elle porte malheur. Un héritage de l’époque à laquelle les cales et le pont des bateaux étaient envahis de cordages de chanvre. Si un de ces rongeurs parvenait à monter à bord malencontreusement, c’était la catastrophe. En dépit de ces sombres présages, la journée se termine sans encombre. L’équipage fait même la rencontre d’un phoque visiblement très intéressé par le bateau. 

 

 

Vendredi 17 avril – Cap sur Brest

Il est un peu plus de 5 heures du matin. L’officier de navigation et le timonier (c’est le membre d’équipage qui est responsable de la barre sur un bateau) effectuent les derniers changements de cap à l’approche des côtes bretonnes.

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Deux heures plus tard, un canot à moteur accoste au pont arrière, il transporte le pilote qui guidera le navire dans le port de Brest. Le pilote a déjà mis son masque et l’infirmière prend sa température avant qu’il puisse monter à bord. Dès que le Pierre de Fermat est amarré, la valse des déchargements du matériel et des poubelles commence. Il faut ensuite remplir les 6 citernes de fuel et réceptionner neuf palettes de vivres. Une chaîne humaine s’organise pour ranger les produits frais, congelés, les conserves, les bouteilles… De quoi tenir pendant tout le séjour à quai en attendant de nouveaux travaux. En l’espace de quelques heures, le navire a fait le plein, il est prêt à repartir. Cela semble simple mais ces manœuvres ont nécessité une planification minutieuse. Covid oblige, les livreurs ont dû prendre rendez-vous et l’équipage a remis masques et gants le temps de réceptionner les produits.

 

 

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Samedi 18 avril – Fin de mission

L’infirmière est soulagée : la mission s’est déroulée sans encombre. Les deux lits du service médical ont servi à la « bobologie » habituelle. C’est le cœur léger qu’elle participe à l’exercice de sauvetage prévu par le Commandant. Ces entraînements sont indispensables pour garantir la sécurité des marins dans un espace aussi contraint. Pendant qu’elle exerce ses réflexes avec le sac d’urgence et les bouteilles d’oxygène, les autres membres d’équipage poursuivent le programme de travaux d’entretien et de réparation du navire. Même à quai, on ne chôme pas ! Au menu aujourd’hui : nettoyage, lessivage et coup de peinture dans les ateliers. Sur le pont arrière, des ouvriers ont commencé à remplacer les lattes de pin de l’ancien plancher.

 

 Le soir, l’ensemble des hommes et des femmes de l’équipage se réunissent autour d’un buffet pour célébrer la fin de cette mission pas tout à fait comme les autres. La musique de la fête s’élève dans le port silencieux.