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Publié le 14 Février 2022

Appel aux grandes plateformes de contenus à contribuer au coût de l’infrastructure numérique européenne qui supporte leurs services

 

Les activités numériques se développant à une vitesse vertigineuse, la connectivité est tout simplement devenue capitale pour notre société, notre économie et, en définitive, notre vie quotidienne. Le trafic de données, qui augmente de près de 50 % chaque année, est le facteur déterminant de la taille et de la capacité de nos réseaux.

Les opérateurs de télécommunications que nous sommes ont investi massivement dans la modernisation des infrastructures réseau afin d’en augmenter les capacités. Grâce à cela, les communications ont pu se poursuivre sur Internet pendant la crise du Covid-19 en Europe, malgré l’augmentation des pics de trafic fixe et mobile. Aujourd’hui, la poursuite de ces investissements est indispensable pour garantir l’accès sans restriction et l’inclusion de tous les citoyens dans la société numérique.

Mais la situation actuelle n’est tout simplement pas viable. La charge des investissements doit être partagée de manière plus proportionnelle. Le streaming vidéo, les jeux et les réseaux sociaux hébergés par une poignée de plateformes de contenus numériques représentent plus de 70 % de l’ensemble du trafic de données sur les réseaux1 . Alors que les plateformes numériques profitent à peu de frais de modèles commerciaux hyper évolutifs, nous, opérateurs réseau, assumons seuls les investissements nécessaires en matière de connectivité, alors même que nos marchés de détail sont en perpétuel déclin sur le plan de rentabilité.

En l’état actuel, les opérateurs de réseaux ne sont pas en mesure de négocier des conditions équitables avec ces plateformes de contenus numériques en raison de la forte position sur le marché de ces dernières, de l’asymétrie du pouvoir de négociation et de l’absence de règles du jeu équitables.

Dans ce contexte, nos investissements substantiels ne parviennent pas à générer des rendements suffisants, ce qui met en péril la poursuite du développement des infrastructures.

De plus, l’augmentation du trafic de données va se poursuivre au même rythme sans jamais s’arrêter, les grandes plateformes de contenu numérique s’efforçant sans cesse d’améliorer la qualité de leur service de streaming. Si nous ne remédions pas au déséquilibre de la situation, l’Europe se laissera distancer par d’autres régions du monde, ce qui aura pour effet de dégrader la qualité de l’expérience pour l’ensemble des consommateurs.

Les signes de la nécessité d’un changement de paradigme pointent également ailleurs dans le monde. En Corée du Sud, une loi visant à créer les conditions réglementaires d’une contribution plus équitable aux coûts du réseau est à la réflexion. Le contentieux encore en cours généré par l’explosion du trafic en raison la série « Squid Game » a effectivement fait surgir la nécessité de légiférer. Aux États-Unis, les décideurs politiques s’orientent aussi vers un service universel financé par les plateformes numériques.

D’ailleurs, le partage des investissements est essentiel pour accélérer l’adoption de la connectivité verte et des technologies numériques qui contribuent à des économies plus durables et à une efficacité accrue. Cela permettrait de surcroît de renforcer le leadership international de l’Europe en matière d’écologie et de promouvoir des emplois verts. En l’absence d’un « prix à payer » pour les données émises, les grands fournisseurs de contenu ne sont pas incités à optimiser le trafic de données.

Nous accueillons donc très favorablement le récent engagement de la Commission européenne2 à développer des cadres adéquats afin que « tous les acteurs du marché qui bénéficient de la transformation numérique (…) apportent une contribution juste et proportionnée aux coûts des biens, services publics et infrastructures associées ». Nous demandons maintenant aux législateurs de l’Union européenne d’introduire de toute urgence une réglementation pour faire de ce principe une réalité. Le temps se fait d’ailleurs de plus en plus pressant, notamment en raison des énormes investissements encore nécessaires pour atteindre les objectifs de connectivité fixés pour 2030 par la Commission européenne dans sa communication sur la décennie numérique de l’Europe. Sans une solution équitable, nous n’y parviendrons pas.

José María Álvarez-Pallete (PDG, Telefónica), Tim Höttges (DG, Deutsche Telekom), Nick Read (DG, Vodafone) et Stéphane Richard (PDG, Orange).

 

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1  Sandvine Global Internet Phenomena Report, janvier 2022
2  European Declaration on Digital Rights and Principles for the Digital Decade, COM (2022) 28 final, 26.1.22