Photo magazine orange L’investissement socialement responsable est-il plus résistant face aux crises ?

Publié le 04 Mars 2021, mis à jour le 23 Octobre 2023

L’investissement socialement responsable est-il plus résistant face aux crises ?

Depuis les débuts de la pandémie, les entreprises les plus durables semblent tirer leur épingle du jeu. Une capacité de résistance qui provient également de leur solidité extra-financière. Une solidité résultant en partie du développement de l’investissement socialement responsable (ISR), comme l’explique Pascale Forde-Maurice, de l’équipe sustainable banking de Crédit Agricole CIB.

 

En quoi consiste l’investissement socialement responsable ?

Pascale Forde-Maurice – L’investisseur socialement responsable (ISR) se distingue en prenant en compte non seulement des critères financiers mais également des composants dits « extra-financiers ». Au-delà de la recherche de profit, l’investisseur responsable se tournera vers des entreprises engagées dans une démarche de développement durable. Celle-ci s’appuie sur trois piliers : environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). 

Les critères environnementaux mesurent l’impact positif, direct ou indirect, de l’entreprise sur la planète, le climat et la biodiversité.
Les critères sociaux examinent l’impact positif de l’entreprise sur les communautés locales mais aussi sur la société dans son ensemble, via par exemple, des mesures de protection des salariés, des actions de lutte contre la pauvreté et la discrimination, des mécanismes d’inclusion, etc.
Les critères de gouvernance évaluent la bonne gestion de l’entreprise, en matière de transparence, d’égalité de traitement ou encore de lutte contre la corruption.

La plupart du temps, cette analyse des critères ESG est réalisée par des agences spécialisées qui examinent les publications et les rapports annuels de l’entreprise. Grâce à ces trois critères, l’investisseur s’assure ainsi que la responsabilité de l’entreprise s’étend à son impact positif sur la société.  
 

 

 

Au-delà de la recherche de profit, l’investisseur responsable se tournera vers des entreprises engagées dans une démarche de développement durable

Pascale Forde-Maurice
portrait de pascale ford maurice

 

 

Pourquoi les investisseurs décident-ils de choisir ces entreprises ?
Quels sont les secteurs concernés ?

P. F-M. – Une entreprise qui remplit les critères ESG est plus performante à moyen et long terme. Mieux armée pour l’avenir grâce à une analyse fine de son écosystème et une évaluation précise de ses risques extra-financiers, elle offre ainsi plus d’opportunités de croissance. 
Il est également important pour les investisseurs de se concentrer sur des entreprises qui embarquent une ambition forte en matière de RSE dans leurs décisions stratégiques.
En effet la prise en compte rigoureuse des critères ESG dans la stratégie d’investissement permet souvent de se prémunir du risque de réputation et de mauvaise gestion du risque environnemental et social. 

Ainsi, aujourd’hui, les secteurs liés au pétrole ou aux matières premières sont fortement scrutés par ces investisseurs tandis que ceux de la santé ou des technologies sont plébiscités. 
L’année 2020 a fait prendre conscience des enjeux clés de l’inclusion numérique et du rôle du digital sur le plan environnemental : l’essor des outils de télétravail nous montre par exemple qu’on peut échanger tout autant sans voyager !
L’industrie du numérique a donc un rôle essentiel à jouer.

 

 

Ces fonds sont-ils également plus résistants aux crises ? En quoi peuvent-ils apparaître comme une valeur refuge ?

P. F-M. – La crise a démontré que les valeurs ISR sont moins vulnérables aux aléas du marché. Les entreprises ayant intégré les risques extra-financiers à leur stratégie sont capables de répondre plus rapidement et plus efficacement en cas de crise. La bonne gestion des salariés, la cohésion des équipes et l’intégration des communautés locales sont également des facteurs clés de leur agilité : la diversité favorise la multiplication des points de vue et améliore la capacité d’adaptation.
Enfin, les investisseurs responsables ont tendance à conserver leurs actifs malgré les troubles conjoncturels car leur démarche se place sur le long terme. Ils soutiennent ainsi les entreprises dans les périodes difficiles.
 

 

Quel peut être l’impact des investissements responsables sur l’emploi, la réduction des inégalités, la réponse au changement climatique… ? 

P. F-M. – L’engagement des acteurs financiers ISR accompagne les mouvements de fond initiés par la société civile et les forces politiques. C’est un cercle vertueux : les investisseurs veulent des valeurs éthiques et incitent les entreprises à développer un modèle plus juste et écologique, tout en encourageant les États à mettre en place des dispositifs favorables à l’investissement responsable. Le développement des critères ESG et de l’ISR permet aussi de comparer les acteurs économiques, de faire le tri entre les « bons » et « les mauvais élèves », et accélère très certainement les engagements explicites en faveur d’un monde plus durable.
Les secteurs intenses en carbone, comme celui du pétrole et du gaz s’engagent ainsi largement en faveur de la neutralité carbone. 
 

 

L’ISR a-t-il vocation à devenir la norme ?

P. F-M. – C’est effectivement un mouvement qui s’accélère, avec des volumes d’actifs en croissance. En Europe, la communauté des investisseurs ISR est désormais aussi importante que celle des investisseurs dits conventionnels.
La Commission européenne encourage également ce mouvement, avec l’adoption d’un système de classification des activités durables, qui définit un langage commun pour les investisseurs. De même, les États qui placent la transition écologique au cœur de leurs différents plans de relance, favorisent l’essor des investissements responsables pour les années à venir.
Enfin, chaque citoyen exerçe une pression de plus en plus forte sur ces investisseurs : la société valorise aujourd’hui une vision éthique de l’économie et de la finance, au service de la communauté. Les banques qui financent l’économie ont également un rôle majeur à jouer dans les grandes transitions.
À terme, les critères extra-financiers et financiers devraient converger, les premiers devenant une mesure à part entière de la performance de l’entreprise.