Piloter une entreprise, c’est passionnant, mais cela veut dire aussi tenir le coup, faire preuve de sang-froid et d’endurance, rebondir, redémarrer, s’adapter, faire preuve d’agilité. On retrouve derrière ces aptitudes le terme plus vaste de résilience. Quelles en sont les clés et comment y parvenir ? Tour d’horizon de ce qui conduit l’entreprise sur le chemin de la résilience…
Être une entreprise résiliente, c’est quoi ?
Issue de travaux de recherches en sciences de gestion, la résilience organisationnelle est une approche récente qui s’adresse aux entreprises confrontées à des épreuves et qui sont amenées à se réinventer, en partie ou intégralement pour survivre.
Selon Eric Briones (nouvel ouvrage "Luxe et résilience"), la résilience leur donne la possibilité de « se relever, continuer, s’adapter, se réinventer et se renforcer dans l’adversité ».
Cette approche est également pluridisciplinaire car pour s’adapter en permanence, les entreprises doivent combiner outils et technologies numériques, pratiques managériales, écoute du marché et agilité.
Cela est d’autant plus vrai dans le contexte pandémique dans lequel nous vivons et qui fragilise de nombreux pans de l’économie. Ainsi, une étude de 2020 souligne que « les entreprises parées pour le futur ont mieux résisté pendant la crise. Elles sont les plus confiantes et les mieux préparées aux nouvelles tendances, défis et possibilités ».
La résilience donne la possibilité de se relever, continuer, s’adapter, se réinventer et se renforcer dans l’adversité.
Alors, comment être une entreprise résiliente ?
Ces entreprises résilientes, « parées pour le futur », présentent des similitudes :
- une attitude positive face au changement, qui est considéré comme une opportunité ;
- un état d’esprit ouvert vis-à-vis des nouvelles technologies qui peuvent répondre à de nombreux challenges ;
- une planification active de l’avenir pour adapter leurs modes de travail ;
- la mise en place de stratégies documentées, spécifiques, financées et évaluées et détaillées pour préparer le futur ;
- une veille régulière pour comprendre les nouvelles tendances de leur secteur d’activité ;
- une démarche d’adaptation permettant de réagir rapidement aux nouvelles tendances ou aux nouveaux défis. Il s’agit d’être plus rapide à commercialiser que ses concurrents.
La bonne nouvelle ? Toute entreprise peut devenir une entreprise résiliente.
Mais a priori, seules 20 % des entreprises interrogées dans le cadre de cette étude intègrent les six critères.
Alors, sur le terrain, dans cette période complexe et incertaine, quelles sont les clés de la résilience pour une entreprise ?
Pour la crise et l’après-crise : penser agile, penser humain, penser RSE !
Selon Marie Noéline Sinapin, chercheuse de l’université de Paris-Saclay (rapport de recherche "Les entreprises et l’après crise de Covid-19 : un nouveau modèle d’organisation agile entre efficience et résilience"), les entreprises sont et seront plus que jamais amenées à devenir agiles. Comment ? En développant leur proactivité, pour non seulement pouvoir surnager, mais surtout se placer dans une dynamique leur permettant de saisir de nouvelles opportunités.
Cette agilité repose en partie sur le facteur humain.
« La résilience repose sur le maintien d'une bonne qualité de vie au travail, ainsi que sur des relations constructives et harmonieuses avec leur écosystème", estime Hugues Poissonnier, directeur de la recherche de l'Irima. Ce levier interne majeur de solidité a également été mis en évidence par l’institut américain Great Place to Work, qui considère que les entreprises qui investissent dans la qualité de vie au travail sont particulièrement performantes en période de crise.
La résilience passe aussi par la responsabilité et la durabilité.
Les entreprises engagées dans une démarche RSE et qui suivent les critères de la norme ISO 26 000, sont appelées à s’organiser et à développer leur activité en tenant compte de leurs impacts sur la société et l’environnement, tout autant que sur l’économie. Grâce à l’enchaînement vertueux des différentes étapes d’un processus de développement durable ou d’une stratégie RSE, la capacité de résilience d’un écosystème s’en trouve directement améliorée.
La résilience repose sur le maintien d'une bonne qualité de vie au travail, ainsi que sur des relations constructives et harmonieuses avec leur écosystème.
La résilience passe surtout par l’innovation numérique
La culture de l'innovation est propice au développement des entreprises, quel que soit le contexte.
Elle repose sur des capacités et des réflexes de veille, qui doivent être déployés pour libérer la créativité.
Cette culture passe par le levier du digital qui offre de nombreuses opportunités d’adaptation et d’agilité.
En témoigne par exemple la part grandissante du télétravail dans les organisations, qui facilite un meilleur équilibre vie professionnelle / vie personnelle notamment en réduisant les temps de transports, tout en évitant les émissions liées à ces déplacements.
Le luxe et le e-commerce, une belle leçon de résilience
Pour Eric Briones, étudier l’histoire du luxe, c’est « contempler 10 000 ans de résilience ». L’année 2020 à ce titre a été particulièrement symbolique.
Comme il le souligne : « On a promis les enfers au luxe au mois de mars, victime annoncée de la mise sous cloche de son marché star, la Chine, de la fermeture de ses magasins dans le monde, de sa faiblesse originelle en matière d’e-commerce et au-delà, de sa nature non essentielle. »
Verdict un an après ? « Au final le luxe se trouve renforcé par la crise, il a su résister et affiche une hausse de 48 % de ses ventes en Chine », explique-t-il.
Plus encore qu’avoir maintenu ses parts de marché finalement, l’industrie du luxe s’est régénérée grâce à l’e-commerce et en repensant son modèle.
« En multipliant par deux la part de l’e-commerce (23 %) dans ses résultats, il s’est réinventé en offrant des gels et des masques aux soignants, en remettant en cause son business model au profit d’un luxe nouveau, durable et responsable et il a même ouvert la porte au marché de la seconde main. »
Y a-t-il des leçons de résilience à prendre du côté des start-up ?
Agathe Wautier, à la tête du Galion Project, un think tank qui fédère quelque 300 entrepreneurs, constate que les start-up font elles aussi preuve de résilience. Leur modèle économique et leur fonctionnement, qui reposent très largement sur des outils numériques, y contribuent largement.
Et sur le terrain ? Olivier Baert, dirigeant de Mydimm, énumère les facteurs de résilience de sa propre start-up : « Nous sommes une petite structure avec des coûts fixes très raisonnables. Nous avons donc eu la chance de ne pas devoir prendre de décisions difficiles. Nos processus étant entièrement numérisés, notre équipe a pu très facilement télétravailler. Nous avons la possibilité d’intervenir en direct sur la plateforme de conception, ce qui nous permet d’accompagner très facilement nos clients à distance. L’agilité et la résilience de l’équipe a été formidable et tout s’est donc très bien passé. »
Cette capacité à se transformer voire à changer de cap, serait-elle donc la clé de la résilience ? ! Selon une enquête menée par Station F, pas moins de 19,6 % des start-up françaises ont changé de business model, 24,5 % ont changé de stratégie de vente et 12,1 % ont fait d’importantes modifications dans leur offre. Mêmes si elles n’étaient pas particulièrement solides pour résister à une crise, c’est leur facilité à s’adapter qui leur a permis de trouver le chemin de la résilience.
Que ce soit en rythme de croisière classique ou en période de crise, l’entreprise doit avancer, regarder loin devant, penser et imaginer le futur. Il est évident que la crise de la Covid-19 est un séisme pour le monde de l’entreprise, qu’il y aura des conséquences sociales douloureuses dans certains secteurs. Mais c’est aussi l’occasion de se réinventer et de faire en sorte que demain notre économie soit plus résiliente, que le tissu social soit encore plus fort. Résister, se régénérer, se réinventer : telles sont les phases du processus de résilience des entreprises pour penser à l’après !